Courrier du front
Violence de la guerre
Lettres de poilus à Marie Magnan, infirmière.
Présenter l'ensemble des lettres de poilus adressées à Marie Magnan peut paraître absurde car certaines lettres ne racontent a priori pas grand-chose prises une à une ... Nombre d'entre elles sont lapidaires, formelles.
J'hésitais à ne transcrire que les meilleures lettres, celles qui disent la souffrance physique, les blessures, la violence du front. Mais pourquoi laisser de côté les autres? Celles qui racontent le quotidien, qui finissent très vite par la phrase "je ne vois plus rien à vous dire ..."? C'était ce "plus rien à dire ..." que je trouvais, à l'aune de ces longues quatre années de guerre, troublant. Il fallait laisser place à cette fadeur, rien que pour être fidèle, rien que pour que chacun se fasse une idée de la banalité du temps de guerre.
Ces lettres constituent un lien ténu de ces soldats avec Marie Magnan, dont il fallait témoigner. Il fallait aussi leur rendre hommage. J'ai donc décidé de garder les lettres lapidaires car elles racontent le dénuement. Les Poilus préfèrent la convalescence au front. Ils donnent des nouvelles de leur blessure, racontent leur opération, sont reconnaissants.
La plupart des soldats sont cultivateurs et font des efforts pour écrire leurs remerciements. J'ai volontairement laissé certaines lettres avec leurs fautes d'orthographe. Au détour d'une petite tournure de phrase, d'une réflexion anodine, se dit quelque chose de celui qui a écrit, et pour qui ces quelques lettres sont peut-être les seules dernières traces.
J'ai regardé quel avait pu être le destin de ces hommes, en recherchant leur matricule militaire sur le site du Grand Mémorial du ministère de la culture. Grâce à la liste des soldats passés à l'hôpital, il a été possible de me faire une idée, à partir de leur adresse et de leur compagnie, de leur profession, de la couleur de leurs yeux et de la forme de leur visage. Et de leur parcours.
Certains sont morts au front, d'autres s'en sont tirés. Je n'ai pas retrouvé beaucoup d'entre eux. Ils ont disparu (en tout cas d'internet). Puissent ces quelques lettres redonner un peu la mémoire de leur présence.
Toutes ces lettres constituent un corpus qui est à pleurer de tristesse, dont voici quelques spécimens.
Vous pourrez ensuite accéder à l'ensemble des lettres des 63 poilus classés par ordre alphabétique.